"MagFilter", Microfiltration magnétique des nanoparticules en vue d’applications aux immunotests

Le projet MagFilter a pour ambition de perfectionner la méthode ELISA. Cette technique très fréquemment utilisée dans les examens de laboratoire, permet de détecter la présence de protéines, d’anticorps ou d’antigènes dans un échantillon de sang. Pour les chercheurs, l’objectif est de mettre au point une puce microfluidique afin de créer une sorte de mini laboratoire portable qui pourra être appliqué à la détection des maladies par analyse du sang et trouvera également des applications dans le domaine environnemental.


La méthode ELISA

Le test ELISA est une méthode principalement utilisée en immunologie dans le but de détecter et/ou doser la présence de protéines, d’anticorps ou d’antigènes dans un échantillon. Ce test sérologique détecte par exemple les anticorps produits par l’organisme en réponse à la contamination virale.

Plus précisément, la technique ELISA est une technique immuno- enzymatique. Elle permet de visualiser, à partir d’un échantillon biologique, les réactions entre un antigène, c’est-à-dire un corps considéré comme étranger par l’organisme vivant, et un anticorps à l’aide d’une réaction colorée produite par un marqueur enzymatique.

La réaction colorée permet de confirmer l’identification de la bactérie isolée ou la présence du virus recherché. Quant à l'intensité de la couleur, elle renseigne sur la quantité d'antigènes ou d'anticorps dans l'échantillon donné.

Les enzymes sont donc l’un des marqueurs les plus couramment utilisés dans les tests immunologiques appelés ELISA (de l'anglais enzyme-linked immunosorbent assay, littéralement « dosage d'immunoabsorption par enzyme liée »). Parmi les enzymes couramment utilisées dans les ELISA, il y a la peroxydase de raifort (HRP), la phosphatase alcaline (AP) ou la glucose oxydase. Ces enzymes permettent une détection car elles produisent un changement de couleur observable en présence de certains réactifs.


La microfluidique, la science de la manipulation des fluides à l'échelle micrométrique.

Depuis quelques années, les progrès de la microfluidique pourraient donner naissance à des minilabos portables capables d'analyser le sang d'un patient en quelques minutes.

La microfluidique a émergé en tant que discipline dans les années 2000. Elle peut être considérée comme une science qui étudie le comportement des fluides dans des micro-canaux. La microfluidique peut aussi être vue comme une technologie de fabrication de dispositifs pour les laboratoires sur puces (« lab on chip ») dans le domaine de la physique, de la chimie et de la biologie.

La microfluidique est marquée par une croissance exponentielle en termes d’innovations et du nombre de publications. Cette croissance s’explique par une forte demande émanant des domaines de la science de la vie, la médecine, la chimie et l'environnement.


Elaborer une puce microfluidique

Dans ce contexte caractérisé par la montée du bio électronique grâce au développement technologique sans précédent de ces dernières années, l’équipe MagFilter ambitionne de mettre au point un prototype très prometteur de puce microfluidique ou « minilabo portatif ».

Pour y parvenir, l’équipe scientifique rassemble des chercheurs issus de l'Institut de Chimie de Nice (ICN), de l'Institut de Physique de Nice (INPHYNI) et des biologistes de l'Institut de Biologie de Valrose (iBV).


Privilégier l’utilisation de nanoparticules magnétiques 

Pour développer une nouvelle un puce microfluidique pour réaliser des tests immunologiques magnétiques miniaturisés (ELISA), le projet MagFilter va devoir concevoir un dispositif très complexe.

Les systèmes microfluidiques sont des dispositifs qui comportent un ensemble de composants miniaturisés permettant l’étude et l'analyse d'échantillons chimiques ou biologiques. Ces « microprocesseurs » pour la biologie remplacent ainsi des instruments à la fois très encombrants et très coûteux.

Le but de ce projet est de miniaturiser le système de détection ELISA en utilisant nanoparticules magnétiques. L’utilisation de tels particules magnétiques pour des applications dans les biotechnologies, l’industrie pharmaceutique ou la médecine est en plein essor.

Ces outils sont effectivement bien adaptés à la manipulation de molécules biologique, par leur taille, allant du nanométrique au micrométrique, et par la possibilité de les manier à l’aide d’un simple champ magnétique.

Pour parvenir à élaborer cette technologie, les membres du projet prévoit, tout d’abord, de réaliser une étude de faisabilité technologique.

Ce premier volet du projet consiste à étudier les mécanismes physiques à l’œuvre dans des systèmes microfluidiques (mouvement brownien, agrégats) en vue d’effectuer une étude de faisabilité technologique.

A cette étape, les physiciens seront donc mobilisés pour étudier les concepts physiques de la microfluidique et caractériser les propriétés qui régissent les fluides dans ce système miniaturisé. Il faudra, par exemple, tenir compte des forces capillaires auxquels les fluides seront soumis et des effets électrocinétiques

Dans un second volet l’équipe prévoit de concevoir une chambre microfluidiques avec des filtres magnétiques.
Le projet MagFilter vise à concevoir une technologie microfluidique en fabriquant un dispositif de laboratoires sur puce. Pour y parvenir, l’équipe doit fabriquer de nombreux microcanaux, chacun mesurant quelques micromètres (ou dizaine de micromètres), sur une seule puce de taille réduite.

Ces microcanaux permettent à la fois de manipuler des fluides dans de très faibles quantités (jusqu’au picolitre) et de réaliser des réactions biochimiques dans de très petits volumes. L’intégration de pompes, d’électrodes, de vannes, de générateurs de champs électriques et de l’électronique de contrôle et de traitement est nécessaire pour créer un système complétement intégré.

Le but de ce laboratoire sur puce est d’incorporer sur une seule puce un nombre maximal de réactions biochimiques afin de proposer de nombreux diagnostics à partir d’une seule goutte de sang. Il s’agit aussi d’offrir un diagnostic précis et rapide des maladies potentielles.

Pour détecter et manipuler des éléments biologiques, MagFilter propose d’utiliser des nanoparticules magnétiques en conditions microfluidiques pour obtenir des mesures à la fois spécifiques, stables, rapides et reproductibles.

Cette technique spécifique d’immunodosage couplée à des nanoparticules magnétiques nécessite un contrôle du déplacement de ces dernières pour les fonctionnaliser efficacement et créer un complexe biologique encapsulant une molécule cible (biomarqueur).

Comment ça fonctionne ?

Les nanoparticules sont introduites dans un échantillon biologique où elles se fixent à la surface des molécules biologiques cibles. Puis la suspension passe par un séparateur magnétique microfluidique dans lequel les nanoparticules magnétiques sont accumulées.

Une telle séparation magnétique des nanoparticules permet de concentrer les biomolécules capturées sur la surface des nanobilles dans le filtre jusqu'à une concentration suffisamment élevée pour une détection facile des biomolécules.

Une fois concentrées, les biomolécules pourront être détectées par fluorescence lors d'une réaction avec des anticorps fluorescents.

Avant de valider le concept d'utilisation de nanobilles magnétiques en immunotests cliniques, les chercheurs tenteront d'établir des lois fondamentales de la séparation magnétique des nanobilles magnétiques portant des biomolécules capturées à leur surface. 

Si ce projet aboutit, il révolutionnerait les possibilités de diagnostic des maladies à leur stade initiale lorsque les analyses classiques ne sont pas capable de les détecter.


Chimistes, physiciens et biologistes en étroite collaboration

Ce projet s'appuie sur une collaboration de recherche active entre différentes disciplines : mécanique des fluides, synthèse de nanoparticules, chimie de surface et réalisation d'essais immunologiques.

Ce travail interdisciplinaire est indispensable pour parvenir à réaliser un tel dispositif qui implique à la fois l’intégration de matériaux et de structures de nature fortement hétérogène, et nécessite, pour son assemblage, de résoudre de nombreux verrous technologiques.

Aussi, le projet MagFilter combine l’expertise :

- Des chimistes de l'Institut de Chimie de Nice (ICN), qui synthétiseront les nanobilles appropriées et fonctionnaliseront leur surface,
- Des physiciens de l'Institut de Physique de Nice (INPHYNI),  qui étudieront la séparation magnétique des nanobilles et,
- Des biologistes de l'Institut de Biologie de Valrose (iBV), qui réaliseront des tests immunologiques.

Avec le projet MagFilter, les chercheurs positionnent Université Côte d’Azur sur une thématique de recherche en pleine expansion, à savoir la microfluidique. Les systèmes d’analyse biologique fondés sur la microfluidique, encore appelés « laboratoires sur puces » ou « microsystèmes d’analyse totale », sont encore peu répandus mais représentent un domaine de recherche très actif.

Ces dernières années, un grand nombre de tests ELISA ont été réalisés dans des dispositifs microfluidiques. Ils ont non seulement permis d’intégrer l’ensemble du test dans une seule puce et réduit considérablement l’utilisation de produits chimiques.

Si cette nouvelle technologie parvient à être mise au point par les chercheurs d’Université Côte d’Azur, elle aboutirait ainsi à la conception d’un véritable nanolaboratoire.
Ce dernier serait capable de proposer des tests avec une durée du dosage immunologique réduite, une détection plus fine des antigènes, même s’ils sont présents en quantité infime, et d’en étudier toutes les propriétés physiques. Ainsi, avec ce dispositif miniaturisé un grand nombre d'échantillons pourrait être analysés à faible coût tout en étant doté d’un technique de detection puissante.

Cette puce microfluidique peut également avoir s’appliquer à d’autres domaines que celui de la biologie. Cette technologie trouverait des applications en chimie, pour tester des milliers de réactions, réaliser des réactions chimiques encapsulées (microfluidique en gouttes) et en physique, afin de créer des systèmes automatisés contrôlés, ou réaliser des set-up expérimentaux.

Pour en savoir plus sur ce projet de recherche, lisez le projet détaillé du chercheur en cliquant ici.
 
L’Académie Systèmes Complexes soutient le projet "MagFilter" par son aspect novateur et clairement interdisciplinaire en allouant un financement de 6k€ pour couvrir la venue d’un stagiaire en Master et des frais associés à sa recherche.