La complexité des écoulements turbulents classiques décelée dans les fluides quantiques

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Publié le 23 mars 2021 Mis à jour le 21 janvier 2022
Date(s)

le 17 mars 2021

turbulences fluides
turbulences fluides

Grâce au financement du projet ANR GIANTE et à une allocation d'heures de calcul GENCI, une équipe du laboratoire Lagrange a montré quantitativement que la turbulence classique et quantique ont les mêmes propriétés statistiques en ce qui concerne la circulation aux échelles classiques*, y compris les fluctuations les plus violentes ; tandis qu’ils présentent des différences importantes aux plus petites échelles.Ce travail a été publié dans Physical Review X et renforce l’idée que la turbulence quantique est en quelque sorte le squelette de la turbulence classique que l'on observe dans les écoulements naturels.


Lorsque l’on pense à une tornade, on imagine souvent un long filament qui se déplace dans l’espace, entraînant tout ce qui se trouve à son passage. Ces tornades ou tourbillons, appelés vortex par les physiciens, sont omniprésents dans les écoulements turbulents, tels que l’on observe dans l’atmosphère, les océans ou dans une simple tasse de café remuée par une cuillère. En effet, si l’on regarde un fluide turbulent aux petites échelles, on verra des forêts de tourbillons orientés dans toutes les directions possibles.

Si l’on veut comprendre la turbulence, il est donc naturel d’essayer de « compter » combien de tourbillons on observe dans une région d’une certaine taille, et de s’intéresser à la vitesse de rotation de cet ensemble. Cela permet de définir une quantité, appelée la circulation, qui dépend de l’échelle à laquelle on s’intéresse. Dans un fluide turbulent, la circulation fluctue énormément et peut prendre des valeurs extrêmes.


Dans le monde quantique on trouve aussi des vortex parmi une classe très exotique de fluides: les superfluides. Un superfluide s'écoule sans aucune friction, car grâce aux effets quantiques, leur viscosité est identiquement nulle. On les retrouve aussi bien au laboratoire, dans les expériences avec de l’hélium ou avec des certains gaz atomiques à très basses températures ; que dans la nature, notamment à l’intérieur du cœur des étoiles à neutrons. Les superfluides peuvent eux aussi facilement devenir turbulents. Comme en turbulence classique, on peut essayer de compter les vortex et calculer leur circulation. Dans le cas des superfluides, cela est particulièrement intéressant car la circulation prend des valeurs discrètes comme conséquence d’effets quantiques. La figure montre un superfluide turbulent issu d’une simulation numérique à haute résolution, chaque petit filament correspondant à un vortex quantique qui interagit avec tous les autres.

Grâce au financement du projet ANR GIANTE et à une allocation d'heures de calcul GENCI, nous avons montré quantitativement que la turbulence classique et quantique ont les mêmes propriétés statistiques en ce qui concerne la circulation aux échelles classiques*, y compris les fluctuations les plus violentes ; tandis qu’ils présentent des différences importantes aux plus petites échelles. Avec ce travail publié dans Physical Review X, nous renforçons l’idée que la turbulence quantique est en quelque sorte le squelette de la turbulence classique que l'on observe dans les écoulements naturels.

* Par exemple, une centaine de micromètres dans un écoulement d’hélium superfluide turbulent.
Référence

L'article scientifique (en libre accès) décrivant ce travail est « Intermittency of Velocity Circulation in Quantum Turbulence », Nicolás P. Müller, Juan Ignacio Polanco et Giorgio Krstulovic Phyiscal Review X