Découverte d'un activateur endogène de la fonction atypique du récepteur NMDA

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Publié le 27 juin 2024 Mis à jour le 28 juin 2024
Date(s)

le 24 juin 2024

recherche labo
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Dans un article publié dans la revue Neuron en juin 2024, l'équipe du Dr Marie à l'Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellualire ( Université Côte d'Azur, CNRS), en collaboration avec d'autres chercheurs nationaux et internationaux, identifie la protéine sécrétée endogène, appelée AETA, comme un modulateur essentiel du récepteur NMDA. L'identification de ce nouveau mécanisme dépendant d'AETA promet d'être une cible thérapeutique potentielle pour de nombreuses pathologies cérébrales associées à un dysfonctionnement du récepteur NMDA.

Les récepteurs NMDA sont essentiels pour la plupart des processus cognitifs du système nerveux central car ils contrôlent la force des synapses lors des modifications de l'activité cérébrale. Une altération de leur fonction est observée dans de nombreuses pathologies cérébrales telles que la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, la maladie de Huntington, la schizophrénie, la dépression, les AVC, l'épilepsie, les troubles du spectre autistique, le handicap intellectuel et l'encéphalite anti-récepteur NMDA.


Un fonctionnement des récepteurs NMDA dans un mode alternatif et atypique

Pendant des décennies, les scientifiques ont pensé que les récepteurs NMDA fonctionnaient essentiellement comme des canaux ioniques, nécessitant la liaison du glutamate et des co-agonistes glycine ou D-sérine. Cette fonction permet l'entrée de calcium dans les synapses pour activer une cascade d'événements nécessaires à la transmission de l'information. Cependant, des preuves récentes suggèrent que les récepteurs NMDA pourraient également fonctionner dans un mode alternatif et atypique. Ce mode ne nécessite pas le passage d'ions à travers le canal, mais plutôt un changement de conformation menant à une activité indépendante du flux ionique. Cette activité atypique est liée à l'affaiblissement des synapses, un processus crucial pour réguler la connectivité entre les neurones. Ce double mode d'activité reste énigmatique. Le récepteur NMDA peut-il basculer rapidement entre ses deux modes d'activités? Si oui, comment le fait-il? Cela impacte-t-il la cognition? Est-ce dépendant de l'activité neuronale?


Comment AETA agit au niveau des synapses ?

Dans cet article, les auteurs décrivent AETA comme un nouvel acteur moléculaire qui contrôle ce basculement. L'existence d'AETA (également appelé A) a été décrite pour la première fois par Willem et al. en 2015, en collaboration avec l'équipe du Dr Marie (Willem et al. Nature 2015). AETA est clivé de la protéine précurseur amyloïde- (APP), une protéine fortement impliquée dans la maladie d'Alzheimer, pour être ensuite sécrété dans le cerveau. Les auteurs avaient alors montré qu'un contact direct avec de petites quantités d'AETA soluble réduit immédiatement l'activité des neurones dans le système nerveux central, mais le mécanisme d'action était inconnu.

Maintenant, un consortium international de scientifiques a travaillé avec le Dr Marie pour expliquer comment AETA agit au niveau des synapses en utilisant des enregistrements électrophysiologiques et de l'imagerie fonctionnelle. Avec des expériences élégantes, ils démontrent qu'AETA inhibe directement et spécifiquement la fonction de canal ionique du récepteur NMDA en compétition avec les co-agonistes (glycine/D-sérine). La liaison d'AETA entraîne un changement de conformation du récepteur, associé à une augmentation de l'activité atypique alternative du récepteur ne nécessitant pas de flux ionique. La liaison d'AETA favorise cette activité atypique du récepteur NMDA, menant à l'affaiblissement des synapses et au rétrécissement des épines dendritiques, les unités structurelles hébergeant les synapses. Aucune autre molécule cérébrale endogène connue ne possède cette propriété unique d'agir comme une clé déverrouillant cette fonction atypique.

Les auteurs ont également créé de nouveaux modèles murins dépourvus d'AETA ou sur-exprimant AETA pour montrer la nécessité d'AETA dans le contrôle de la signalisation du récepteur NMDA, l'affaiblissement des synapses et la formation de la mémoire dépendante des récepteurs NMDA. Enfin, en utilisant la chemogénétique, ils montrent que la production d'AETA est augmentée lorsque les neurones sont activés in vivo, fournissant ainsi en autre preuve que la régulation de l'activité du récepteur NMDA dépendante d'AETA est un mécanisme physiologique essentiel pour le traitement de l'information cérébrale. Les prochaines étapes consisteront à déterminer si ce nouveau mécanisme endogène est compromis dans les différentes maladies cérébrales impliquant le récepteur NMDA. Cette exploration offrira de grandes opportunités pour rechercher des stratégies innovantes afin de traiter les nombreux troubles cérébraux liés à ce récepteur.

 
schema H mari IPMC
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Figure : la petite protéine AETA, qui est clivée de la protéine précurseur amyloïde-β (APP) lors de l'augmentation de l'activité neuronale, concurrence la D-sérine/la glycine pour inhiber la fonction du canal du récepteur NMDA. La liaison d'AETA entraîne un changement de conformation du récepteur. La modulation du récepteur dépendante d'AETA induit l'affaiblissement des synapses et le rétrécissement des épines dendritiques, deux fonctions du récepteur NMDA liées à son mode d'activité atypique indépendant du flux ionique. Diagramme créé par Biorender.com.