Une protéine issue d’un virus marin permet de télécommander par la lumière la contraction musculaire

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Publié le 9 février 2024 Mis à jour le 9 février 2024
Date(s)

le 22 janvier 2024

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Une étude, publiée en janvier 2024 dans Nature Communications, révèle un nouvel aspect de la symbiose entre virus géants et phytoplancton, et permet une avancée majeure en optogénétique, avec des applications en recherchefondamentale et médecine, notamment pour le traitement de maladies neuromusculaires.

Dans le génome de virus géants marins, les scientifiques ont découvert une famille de protéines (VCR) activées par la lumière, capables de réguler le calcium cellulaire, élément essentiel à la phototaxie chez le plancton. Chez l’animal, l’expression artificielle de tels gènes permet de télécommander via la lumière la contraction musculaire dépendante du calcium, ceci indépendamment de toute commande nerveuse, et même en présence de drogues paralysantes. Ainsi, on peut contrôler à distance et à la demande les mouvements des animaux genetiquement modifiés.

Le gène en question produit une protéine nommée VCR1. Lorsque ces protéines VCR1 sont exposées à la lumière, elles déclenchent la libération de calcium à l'intérieur des cellules. Or, le calcium joue un rôle crucial dans notre corps, notamment dans la contraction musculaire. C'est là que la magie opère : en insérant ce gène de VCR1 dans des animaux, ici les têtards de xénope, les scientifiques ont réussi à inciter des contractions musculaires en réaction à la lumière.
En illuminant ces têtards génétiquement modifiés, les chercheurs ont pu déclencher des mouvements précis comme la nage ou des flexions du corps. Ce qui est remarquable, c'est que ces mouvements sont contrôlés indépendamment du système nerveux des têtards. Cela signifie que la lumière peut agir comme une télécommande pour les muscles, ouvrant des possibilités fascinantes en biologie et en médecine.

Cette découverte représente une avancée majeure dans le domaine de l'optogénétique, où la lumière est utilisée pour manipuler les cellules vivantes. Imaginez les implications : des traitements pour les maladies neuromusculaires où le contrôle des muscles est perdu, des études sur le fonctionnement des muscles et des nerfs, et même des applications en robotique bio-inspirée.
Mais ce n'est pas seulement la science qui en bénéficie. Cette recherche souligne l'importance de la biodiversité et de l'exploration des océans. Qui aurait pensé qu'un gène d'un virus infectant le phytoplancton pourrait un jour nous aider à comprendre et à manipuler le fonctionnement du corps animal ?
En bref, cette découverte ouvre un nouveau chapitre dans notre compréhension du vivant et de ses possibilités, démontrant une fois de plus que la nature a encore beaucoup de secrets à nous révéler.
figure sandoz nature 2024
figure sandoz nature 2024
© Ana-Sofia Eria-Oliveira
Figure : Grâce aux projets qui explorent la biodiversité marine en collectant des échantillons à l'échelle mondiale, de nombreux gènes VCR1 ont été identifiés au sein des génomes de virus marins infectant le phytoplancton. Ces gènes codent pour des protéines capables d'initier des signaux de calcium à l'intérieur des cellules lorsqu'elles sont exposées à la lumière. Le calcium, molécule de signalisation cruciale, joue un rôle essentiel dans de nombreux processus cellulaires, y compris la contraction musculaire. L'introduction de l'ADN codant pour le VCR1 dans l'œuf d'une grenouille xénope permet l'expression de ces protéines sensibles à la lumière dans le têtard développé. Lorsqu'on expose l'animal à la lumière, les protéines VCR1 sont activées, déclenchant la mobilisation du calcium interne, ce qui provoque la contraction des muscles chez les animaux.
Pour en savoir plus :

Ana-Sofia Eria-Oliveira, Mathilde Folacci, Anne Amandine Chassot, Sandrine Fedou, Nadine Thézé, Dmitrii, Zabelskii, Alexey Alekseev, Ernst Bamberg, Valentin Gordeliy, Guillaume Sandoz* & Michel Vivaudou*.
Hijacking of internal calcium dynamics by intracellularly residing viral rhodopsins. Nature Communication 15, 65 (2024). * Corresponding authors
https://doi.org/10.1038/s41467-023-44548-6

Contacts

Dr Guillaume Sandoz - Directeur de Recherche CNRS- +33 6 04 67 71 77 - Guillaume.SANDOZ@univ-cotedazur.fr
Dr Michel Vivaudou - Directeur de Recherche CEA - vivaudou.lab@gmail.com