Interview d'alumni #14 : Alexia Barrier, skippeuse et entrepreneure

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Publié le 18 novembre 2024 Mis à jour le 19 novembre 2024
Alexia Barrier, skippeuse et diplômée UniCA
Alexia Barrier, skippeuse et diplômée UniCA

Alexia Barrier, diplômée d’une licence STAPS en Management du Sport obtenue en 2002, est skippeuse et entrepreneure. A 25 ans, elle commence la course au large en solitaire après avoir été classée 4e mondiale en Match Racing à 18 ans. Alexia a depuis parcouru des centaines de milliers de milles nautiques au large, notamment lors de la MaxiTransatlantique, du Tour de France à la Voile, de la Route du Rhum en classe IMOCA, de la Transat Jacques Vabre et du prestigieux Vendée Globe. Depuis 20 ans, elle a fait l’équivalent de 10 fois le tour du monde. Défendant des valeurs fortes, elle s’efforce de relier la voile à l'éducation et à la protection de l'environnement.   Découvrez son parcours !

 

Ne jamais rien lâcher !


Alexia Barrier, diplômée d’une licence STAPS en Management du Sport obtenue en 2002, est skippeuse et entrepreneure.  
A 25 ans, elle commence la course au large en solitaire après avoir été classée 4e mondiale en Match Racing à 18 ans. Alexia a depuis parcouru des centaines de milliers de milles nautiques au large, notamment lors de la MaxiTransatlantique, du Tour de France à la Voile, de la Route du Rhum en classe IMOCA, de la Transat Jacques Vabre et du prestigieux Vendée Globe. 
Depuis 20 ans, elle a fait l’équivalent de 10 fois le tour du monde. 
Défendant des valeurs fortes, elle s’efforce de relier la voile à l'éducation et à la protection de l'environnement. 

Pouvez-vous nous parler de votre passage à l’université ? 

Étudiante, j’avais déjà pour objectif de faire le Vendée Globe, ce qui m’a orientée vers le management du sport. Ce cursus m’a permis de me préparer à me présenter et à chercher des partenaires, tout en conciliant études et statut d’athlète de haut niveau. 
 
Je me souviens d’années intenses, entre mes cours, les petits boulots pour financer mes régates et les entraînements, tandis que mes amis profitaient de moments à la cafétéria ou à jouer à la belote. Malgré tout, ces années ont été marquées par de belles amitiés et des liens forts. 
 
Certains professeurs m’ont profondément marquée par leur passion et leur capacité à transmettre plus que des connaissances. Ayant moi-même donné des cours, j’ai réalisé combien il est difficile d’inspirer les étudiants, de les motiver et de faire vibrer en eux l’étincelle pour qu’ils osent se lancer dans leurs projets. 

Etre skippeuse, c’est donc aussi être cheffe d’entreprise. À quoi ressemble votre quotidien ? 

 Dès le début, j’ai dû structurer mes projets pour les financer, car en voile, tout repose sur l’athlète : monter un projet, trouver des sponsors, acheter un bateau, et s’entraîner. J’ai d’abord créé une association loi 1901 pour financer ma première course transatlantique en solitaire en 2005, la Transat 6.50 de la Rochelle à Salvador de Bahia au Brésil. Avec l’augmentation des budgets, j’ai fondé ma première société à Monaco en 2010, adaptée à des projets d’envergure avec des sponsors. Le premier partenaire à signer et me faire confiance c’est la marque de surfwear : ROXY. Plus tard, j’ai créé une autre société en France pour gérer mes bateaux de course. 
 
80 % de mon temps est consacré à la recherche de partenaires et à la gestion de projet, et seulement 20 % à la navigation. Ce qui me permet de développer de nombreuses compétences au-delà de la voile. Depuis 2010, je côtoie des avocats, des juristes, et des dirigeants d’entreprises de tous horizons, ce qui est incroyablement formateur. Je manage aussi des équipes, que ce soit à terre ou en mer, et ces compétences seront essentielles quand je mettrai fin à ma carrière de skippeuse. J'apprends chaque jour. Les projets sont de plus en plus complexes avec de plus en plus de fonds à aller chercher, de partenaires à trouver, d'équipes plus importantes... 
 
Aucun skipper ne peut prendre le départ d’une course comme le Vendée Globe sans une équipe. En fonction des budgets, cela peut aller de trois préparateurs et une personne pour la comptabilité jusqu’à une équipe de 25 ou 30 personnes, avec des préparateurs, des ingénieurs, et même une équipe de communication et administrative. Personnellement, mon Vendée Globe en 2020 a été marquant, car j’avais des centaines de milliers d’euros à gérer et pourtant le plus petit budget et la plus petite équipe de la course. C’était à la fois un défi sportif et un aboutissement professionnel. 

Qu’avez-vous appris d’autre ? 

J'ai aussi appris à vaincre ma timidité et à demander de l'aide. Quand on est entrepreneur, c'est important de s'en rendre compte qu'au lieu de se prendre la tête pendant des mois, de ne pas avancer, oser demander de l'aide est la solution. Il y a toujours quelqu'un qui sera ravi de partager son expérience et son expertise. 
 
J'ai appris à gérer l'incertitude. En Voile, les règles du jeu sont dictées par les éléments (la mer, le vent...) et comme c'est un sport mécanique, la casse peut arriver à tout moment. Cela apprend la résilience, à s'adapter et à anticiper le plus possible. 
 
J'ai, aussi, appris à me lancer sans atteindre la perfection, à tenter. Je me suis freinée sur des projets parce que je n'avais pas toutes les cartes en main. En fait, on peut se lancer avec la moitié d'un jeu et trouver les bonnes cartes en route. Je me suis libérée de la peur du jugement. 

Quels sont vos projets ? 

The Famous Project ! 
A l’hiver 2025, je vais mener un équipage pour tenter de battre le record de vitesse absolue autour du monde sur un maxi trimaran lors du Trophée Jules Verne. Ce sera avec un équipage 100 % féminin de 10 navigatrices.  
La course au large souffre de manque de diversité et d’inclusion et je souhaite mettre en avant les femmes navigatrices. C’est donc un projet important pour moi, qui va au-delà de la performance pure de battre le record absolu de 40 jours et 23 heures.  
C'est aussi d'établir un temps de référence sur ce record pour les femmes. 
On sera face à des écuries avec des budgets et des équipes bien plus importants mais on ose ! 

D'autres projets que le trophée Jules Verne ?  

Alors si je m'écoute, j'ai 3000 projets à la minute. Le Jules Verne est déjà un gros projet !  
Quand je ne serai plus athlète de haut niveau, j'aimerais lancer une académie pour des talents qui n'arrivent pas à se réaliser pour les aider, avec mon réseau, à réaliser leurs projets. Ça s'appellera la Famous Academy. Oui, j'ai déjà le nom! 

Vous êtes cheffe d'entreprise. C'est quoi votre vision de l'entreprise ? 

Pour moi, c’est l’opportunité de réaliser de grands projets. Pas uniquement pour le plaisir de relever des défis, même si j’aime ça, mais aussi pour transmettre ce goût des challenges aux membres de mon équipe. J’encourage chacun à développer ses propres projets personnels et à apprendre les uns des autres. D’ailleurs, j’investis beaucoup de temps pour les aider dans cette voie, afin qu’eux aussi aient l’envie de se lancer dans leurs propres projets. Et, dans mes équipes, la bienveillance est essentielle : nous cherchons à donner le meilleur de nous-mêmes tout en prenant soin les uns des autres. Pour moi, la performance et la bienveillance doivent avancer main dans la main. 
 
En parallèle, je défends aussi des valeurs qui me tiennent à cœur, notamment la protection de l’environnement et l’égalité homme-femme. J’ai fondé une association pour la préservation de l’océan, appelée 4myplanet, en 2010, la même année où j’ai créé mon entreprise. Il était primordial de donner un sens à mon activité : il ne s’agit pas juste de participer à des courses, mais de protéger mon terrain de jeu, l’océan, et d’inciter les jeunes à en faire de même. 
 
Je crois que, pour prendre soin de l’environnement, il faut d’abord être bien dans sa peau et savoir prendre soin de soi. Quand j’interviens dans les classes, mon premier objectif est d’aider les jeunes à explorer leurs aspirations, à élargir leurs perspectives et à trouver leur propre horizon. L’idée est qu’en devenant des adultes épanouis, ils soient ensuite en mesure de prendre soin des autres et de la planète. 

Avez-vous un message pour les étudiants et les diplômés de l’université ? 

J’ai envie de leur dire : osez ! Si vous avez un projet, même si vous n’êtes pas sûr de réussir, lancez-vous. On apprend énormément en passant à l’action. Rester statique, c’est stagner et, finalement, c’est beaucoup moins enrichissant. 

Je pense que les jeunes générations ont plus d’outils que ma génération, mais j’encourage les femmes, en particulier, à se dépasser et à oser.

Vous n’en seriez pas arrivée là si... 

Si je n'avais pas cru en mes rêves. Il y a toujours des gens pour dire que ce n'est pas possible, que l'on ne va pas y arriver, que c'est trop compliqué. 
À 12 ans, j’ai vu le deuxième Vendée Globe à la télévision. C’était un véritable déclic. En voyant ces marins partir autour du monde, j’ai su que je voulais, moi aussi, faire le Vendée Globe, un jour.  
Je n’en ai parlé à personne, de peur qu’on me dise que je n’étais pas faite pour ça, comme cela avait été le cas pour d’autres sports. J’ai simplement travaillé dur, autant à l’école pour éviter les questions sur mon avenir, qu’en voile, où j’ai commencé la compétition à 15 ans, d’abord en dériveur, puis en match racing. 
 
Ma devise, c'est ne rien lâcher.