MIAGE
Interview
Optimiste et passionnée, Lina aime répéter que « ce ne sont pas les filières qui font les étudiants, ce sont les étudiants qui font les filières. A nous de construire notre chemin en retirant le meilleur des opportunités qui nous sont offertes ».
La preuve avec son parcours qui l’a amenée du campus Valrose de Nice jusqu’au Canada en passant par le Master MIAGE parcours Intelligence Artificielle Appliquée à Sophia Antipolis.
Propos recueillis le 23 mai 2022.
Lina Belkarfa
Master MIAGE Intelligence Artificielle Appliquée (2020-2022)
- Quel a été ton parcours avant le master MIAGE IA2 ?
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J’ai fait une licence MIASHS parcours MASS à Université Côte d’Azur. C’est un parcours dans lequel on fait des maths et des statistiques appliqués à l’économie ou à la finance par exemple. J’ai découvert l’informatique et plus particulièrement le machine learning en travaillant sur de gros jeux de données (le Big data dont on entend tant parler). Il faut savoir que l’intelligence artificielle tient beaucoup plus des maths et de la statistique que du développement informatique. J’ai eu un aperçu des applications du machine learning dans la vie réelle que j’ai trouvé très intéressant. Cela m’a donné envie de poursuivre mes études dans ce domaine.
Avec mon bagage de licence MASS, j’aurais pu opter pour d’autres masters plus théoriques dans le domaine de la data science. Mais je voulais faire de l’IA appliquée, et surtout en alternance. La bonne formation pour moi était le Master MIAGE IA2 qui venait tout juste d’ouvrir en 2020.
- Ton avis sur le programme de la formation ?
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Comme je n’avais pas de compétences en informatique, j’ai dû travailler dur en première année car le programme de M1 est super riche et diversifié en Web, en logiciel, en maths, en machine learning, etc. J’ai craint parfois de ne pas y arriver car c’est un cursus exigeant. Heureusement il y a un accompagnement fort des enseignants : l’un d’entre eux m’a même fait des vidéos personnalisées pour me mettre à niveau en informatique. J’ai beaucoup progressé en développement.
En M2, J’ai particulièrement apprécié les cours d’algorithmique évolutionnaire ou de traitement du langage naturel. Le cours de machine learning fondamental est un gros morceau, très complet. Il y a aussi des cours très intéressants sur l'implémentation du machine learning pour apprendre à utiliser les ressources pour faire tourner des programmes des programmes basiques d'automatisation ou des programmes plus élaborés d'intelligence artificielle.
Durant les deux ans, l’accent est mis sur l’autoformation et la capacité à aller chercher des informations en autonomie. Avec l’informatique, tout évolue tellement vite ! Il faut apprendre à chercher sur Internet les frameworks et les librairies qui sont utilisés en entreprise et à questionner les enseignants qui font de la recherche.
Petite précision : même si on fait du code quand on fait du machine learning, le parcours IA2 n’est pas axé sur la programmation logicielle, la programmation web, de sites internet ou de logiciels. En revanche, on utilise le Python, le langage de base pour l’IA aujourd’hui, et R parce qu’il est bien adapté à la statistique et la data visualization.
- Il y a donc beaucoup de pratique en MIAGE ?
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Oui ! il faut voir au-delà des préjugés qu’on peut avoir sur les formations universitaires : dans le master MIAGE, il y a beaucoup de pratique en plus de la théorie.
En M1, on commence par de petits TP pour apprendre de façon autonome de petites choses basiques, puis il y a des TP à plusieurs, plus complexes. Je me souviens par exemple d’un projet en IoT pour lequel nous avons programmé un robot avec 5 autres étudiants. Je n’avais plus manipulé de circuit électrique depuis le collège ! Et finalement nous avons poussé le projet jusqu’à l’installation d’un système de télécommande, une reconnaissance faciale, de capteurs de température et de luminosité, avec en prime un site Web pour afficher toutes les données récupérées. On a dû lui inventer des scénarios d’utilisation comme de la vidéosurveillance ou de la visite immobilière à distance pour expliquer son utilité à des clients potentiels.
Un autre projet qui m’a marquée consistait à programmer un jeu de Scrabble en Java pour faire jouer deux IA ensemble. Comme pour chaque projet, on était libre de s’y prendre comme on voulait, à condition que le résultat soit fonctionnel. Trouver des solutions en équipe est très formateur au niveau technique, mais aussi au niveau humain. Il faut trouver les bonnes personnes avec qui travailler, se mettre d'accord, atteindre un équilibre dans la répartition des tâches… Ce sont des compétences qui ont de la valeur.
- Et en M2, les projets se sont spécialisés en intelligence artificielle ?
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En deuxième année, les mises en applications réelles sont nombreuses aussi. On travaille sur de vrais jeux de données brutes qui ne sont pas toutes propres ni formatées ou prêtes à l’emploi. Il faut les traiter comme on devra le faire en entreprise. Pour se « faire la main », on utilise d’abord des données ouvertes, c’est-à-dire en accès libre (open data). Ça peut être des données synthétisées artificiellement qui peuvent générer volontairement des dysfonctionnements dans un but d’exercice. Le site kaggle.com par exemple en propose avec des petits challenges. On peut se mesurer aux autres membres de la communauté mais aussi échanger du code avec eux, c’est très intéressant.
D’autre part, nous travaillons sur des datas réelles que nos enseignants vont chercher pour nous auprès d’entreprises partenaires dans le cadre de nos projets tutorés, ou qui nous sont fournies pendant nos stages ou notre alternance. - Quels sont selon toi les principaux points forts du Master MIAGE IA2 ?
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Les projets applicatifs apportent une bonne dose d’autonomie et une certaine confiance en soi. Une fois en stage ou en alternance, on ose davantage proposer nos idées parce qu’on a pu les défendre auparavant dans nos groupes de travail et les expérimenter. Evidemment on est junior, mais chacun a des connaissances à apporter selon son domaine ou son milieu d’origine ! Toutes ces mises en pratique aiguisent notre créativité et notre capacité à résoudre des problèmes et à ne pas s’arrêter à la première difficulté. En fait, on acquiert de l’expérience avant même d’entrer sur le marché du travail.
D’autre part ce master apporte le goût de l'informatique et des projets bien faits. En MIAGE, on est admiratifs et fiers du travail des autres quand ils réussissent quelque chose, comme par exemple l’équipe qui a gagné le concours de programmation de jeux vidéo Games on Web l’année dernière. Leur jeu est mis en avant sur le site Babylonjs.com de Microsoft. C’est fort !
- Pourquoi as-tu choisi l’alternance ?
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Je voulais être immergée au plus tôt dans une situation de travail. Tant qu’on n’a pas de réelles responsabilités sur les épaules, et même si on nous le dit en cours, on ne voit pas complètement les vrais enjeux et toutes les contraintes techniques et autres règles juridiques qui s’imposent quand on manipule de vraies données.
Mais il faut bien avoir en tête l’engagement que ça représente car cela implique de travailler ses cours et ses projets le soir, après la journée de travail ! C’est éreintant, il faut rester motivé. Les enseignants sont à l’écoute en cas de difficulté. Pour ma part, c’est un rythme que je connaissais car je travaillais déjà en parallèle de mes cours en Licence. J’étais animatrice les mercredis et pendant les vacances scolaires. L’alternance m’a redonné du temps libre… et je suis mieux payée !
- Comment s’est passée ton alternance ?
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Mon alternance dans l’entreprise Vinci s’est très bien passée. Cette entreprise connaissait déjà la MIAGE et appréciait les qualités des étudiants qui m’avaient précédée. Côté encadrement, j’ai été bien suivie par mon responsable de parcours qui a assuré notamment la visite en entreprise et par les enseignants qui étaient très présent en cas de souci.
Initialement, mon contrat d’alternance devait durer 2 ans. Mais une magnifique opportunité de stage de fin de M2 s’est présentée. Il s’agissait d’un stage au Québec, et dans un secteur, l‘IA pour l’éducation, qui m’attirait particulièrement. Une expérience à l’international, c’est une chance ! Alors j’ai négocié pour que mon alternance soit écourtée. Cet aménagement a pu être réalisé grâce au Directeur de la MIAGE, à mes professeurs et à mon maître d’apprentissage chez Vinci qui se sont montrés très compréhensifs et qui ont soutenu mon projet de partir à l’étranger. C’était important pour moi de quitter l’entreprise de mon alternance en bons termes car je ne voulais pas que mon départ anticipé pèse sur la bonne réputation de la MIAGE.
- En quoi consiste ton stage au Canada ?
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L’entreprise qui m’accueille s’appelle la GRICS. Elle développe des logiciels administratifs et des logiciels pédagogiques dans le domaine éducatif mais aussi des logiciels basés sur l’IA pour exploiter des données sur mesure, en lien avec les commissions scolaires québécoises et en partenariat avec de grosses entreprises connues comme Microsoft. Mon stage s’insère dans ce dernier domaine, pour lequel la GRICS est pionnière.
Je suis analyste en IA et je travaille sur des datas pour un projet de repérage des élèves en difficulté et de prédiction des échecs scolaires. L’IA pourrait aider à détecter précocement les risques de décrochage, afin de donner à tous les meilleures chances de réussite. Et, bien qu’en stage, je suis payée comme un analyste junior salarié ! - Et ton expérience d’expatriée ?
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La MIAGE est connue et reconnue ici au Canada. Les nouveaux arrivés comme moi sur le marché du travail bénéficient de cette notoriété. Il existe même un groupe Facebook « Les Miagistes à Montréal ». Ils sont de tous les âges, viennent de toutes les MIAGE de France, et se retrouvent pour des soirées, des apéros. En discutant avec les Français expatriés qui sont nombreux au Canada, il n’est pas rare de tomber sur un Miagiste, on se partage nos slogans, c'est drôle ! En tout cas, il est certain que la réputation de qualité de la MIAGE facilite l’intégration, même à l’étranger. - L’esprit MIAGE, qu'est-ce que ça veut dire pour toi ?
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Dans ma classe de M1, 80 % des étudiants étaient en alternance. On avait donc tous à peu près le même rythme quotidien, ça crée une cohésion ! Je me suis fait un petit groupe d'amis venant de plein de formations et de milieux différents. On a eu des discussions hyper enrichissantes sur nos visions de l’informatique qui divergent selon que l’on vient du développement logiciel, du Web, du réseau, de la cybersécurité, ou de la data science. On est toujours en contact, on prend de nos nouvelles, on se suit. Certains vont peut-être venir me voir au Canada et même essayer d’y travailler.
A la MIAGE on a la niaque ! Mais contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, il n’y a pas trop de compétition entre nous. Pendant nos projets, il y a plutôt une sorte d'élan, de l’entraide et une saine émulation. On met la barre haut avec le défi de toujours vouloir rendre le meilleur résultat possible. C’est un état d’esprit. On n’est plus seulement des étudiants qui veulent avoir une bonne note, ça va au-delà.
- Quels sont les débouchés après le master MIAGE IA2 ?
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Les diplômés n’ont aucune difficulté à trouver un emploi rapidement. Même si le secteur de l’IA est encore émergent en France, il va y avoir de plus en plus d’opportunités ! A Sophia Antipolis en particulier, les Data Engineers, Data Scientists et analystes en IA sont recherchés. On peut trouver des postes dans les grosses entreprises internationales qui ont déjà des projets structurés en IA, ou bien dans des start-ups qui ont besoin de personnes polyvalentes pour défricher un peu le domaine et voir ce que l’IA peut leur apporter.
Pour ceux qui craignent la monotonie, une autre possibilité peut être de devenir consultant en cabinet ou en freelance. Ici au Canada, c’est le cas de beaucoup de Français expatriés que j’ai rencontrés. Dans ce cas, vous faites des missions de quelques mois dans des entreprises différentes. Ça peut être très rémunérateur et enrichissant techniquement parlant. - Que feras-tu après ton diplôme ?
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L’entreprise dans laquelle je fais mon stage m’a déjà fait comprendre qu’on pouvait envisager un contrat d’embauche. Mais j’ai le goût de la recherche et j’ai déjà mis en avant mon envie de poursuivre mes études en doctorat. Je sais qu’il est possible de faire une thèse en entreprise et par chance, la GRICS est très ouverte à ça. Peut-être sur un sujet qui concernera l’utilisation du machine learning dans les « learning management systems »... En tout cas, ce sera de la recherche applicative !