Réinitialiser la polarité cellulaire sous l’effet de la lumière

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Publié le 18 novembre 2020 Mis à jour le 18 janvier 2021
Date(s)

le 28 octobre 2019

laboratoire scientifique
laboratoire scientifique

Une perte de la polarité cellulaire, associée au processus métastatique, est fréquemment observée dans les tumeurs avancées. Comment un nouveau site de polarité est-il établi dans une cellule déjà asymétrique, processus critique dans un environnement dynamique ? Par une approche d’optogénétique, dans laquelle la lumière est utilisée pour contrôler finement la distribution de la GTPase Cdc42 des chercheurs de l'Institut de Biologie Valrose et de l'Institut de Physique de Nice révèlent qu’un recrutement transitoire à l’ensemble de la membrane plasmique de la protéine Cdc42 constitutivement activée a pour résultat la formation de novo d’un cluster de vésicules de sécrétion, hautement dynamique, en absence de croissance directionnelle. Ces travaux sont publiés dans la revue Cell Reports au mois d'août 2019.

Toutes les cellules ont une forme définie, étroitement adaptée à leur environnement et à leur fonction. Par exemple, les neurones, qui transmettent des messages du cerveau à la moelle épinière, ont une forme allongée, alors que les globules rouges, petits disques plats, peuvent facilement circuler à travers des capillaires étroits. Afin de générer des cellules de formes diverses, différents composants cellulaires, y compris le cytosquelette et les organites, doivent être répartis de manière asymétrique. Cette distribution asymétrique des composants cellulaires est appelée polarité cellulaire.

De nombreux types cellulaires se polarisent en réponse à des signaux environnementaux. Des études sur plusieurs organismes ont mis en lumière les cassures de symétrie, qui expliquent comment une cellule symétrique devient asymétrique. Cependant, peu de choses sont connues sur les processus mis en œuvre dans une cellule déjà asymétrique pour établir un nouvel axe de polarité, processus déterminants dans un environnement en constante évolution.

Pour répondre à cette question, l'équipe de recherche "Croissance polarisée chez la levure" dirigée de Robert ARKOWITZ  étudie depuis plusieurs années la morphogenèse du champignon pathogène opportuniste de l’homme Candida albicans. Ce champignon, qui se développe par bourgeonnement comme la levure de boulanger Saccharomyces cerevisiae, répond également à une variété de signaux extracellulaires, en changeant sa polarité cellulaire de façon impressionnante et en formant des chaînes de cellules filamenteuses hautement polarisées qui adhèrent et envahissent les tissus de l'hôte.
Le groupe a tiré parti de protéines végétales, sensibles à la lumière, pour contrôler la distribution d'une protéine essentielle à la polarisation, la GTPase Cdc42, très conservée au cours de l’évolution.

Les chercheurs ont démontré que le recrutement d'une forme activée de Cdc42 à l’ensemble de la membrane plasmique, en utilisant la lumière, était suffisant pour réinitialiser la polarité dans une cellule asymétrique allongée. En effet, dans cette cellule hautement polarisée, qui avait initialement un avant et un arrière, la distribution asymétrique de ses composants cellulaires est maintenant abolie. Les chercheurs ont montré que la réinitialisation de la polarité dans de telles cellules perturbe le trafic de nouveau matériel moléculaire vers le site de croissance. La délivrance de nouveau matériel, y compris d’une variété d'enzymes nécessaires à la croissance cellulaire, s'effectue par la voie de la sécrétion. Bien que le trafic membranaire soit perturbé, un cluster de vésicules de sécrétion se forme néanmoins lors du recrutement à la membrane plasmique de cette protéine Cdc42 activée ; ce cluster est très dynamique, se déplaçant par bonds le long du cortex cellulaire jusqu'à se stabiliser à un site d’où une nouvelle croissance émerge.

Les chercheurs ont utilisé la microscopie sur cellules vivantes pour suivre la dynamique de ce cluster, ainsi que la modélisation mathématique développée par le Dr. Agnese Seminara du laboratoire INPHYNI (Institut de Physique de Nice), afin de démontrer que le mouvement n'était pas aléatoire. Par conséquent, remarquablement, même en l'absence de croissance directionnelle, un cluster de vésicules peut se former, indiquant que cette accumulation de vésicules, normalement observée à l'extrémité de la cellule (appelée Spitzenkörper), n'est pas une conséquence de la croissance.

Ce travail a été financé par Université Côte d'Azur, l'initiative d'excellence UCAJEDI, le LabEX Signalife, ANR et des UE ITN MARIE SKLODOWSKA-CURIE (FungiBrain;  http://research.bmh.manchester.ac.uk/FungiBrain/ et PolarNet; https://polarnet-itn.eu/).

Auteurs : Patrícia M. Silva1, Charles Puerner1, Agnese Seminara2, Martine Bassilana1 and Robert A. Arkowitz1

(1) iBV, Institut de Biologie Valrose, Université Côte d’Azur - Inserm - CNRS, Nice, France
(2) INPHYNI, Institut de Physique de Nice, Université Côte d’Azur - CNRS, Nice, France

Contacts : Robert Arkowitz, DR1 CNRS
Equipe Polarized growth in yeast
Equipe LABEX SIGNALIFE
Institut de Biologie Valrose (iBV)
Centre de Biochimie, 3ème étage, UFR Sciences 06108 Nice Cedex 2
Tel : 04 89 15 07 40 - mail :
http://ibv.unice.fr/research-team/arkowitz/

Communication iBV : Michel Bidet 04 89 15 08 05
Institut de Biologie Valrose, CNRS UMR7277 - Inserm U1091 - Université Nice Sophia Antipolis Membre de Université Côte d’Azur
Parc Valrose, 06108 NICE cedex 2 – France
 

 Secretory vesicle clustering in fungal filamentous cells does not require directional growth

Secretory vesicle clustering in fungal filamentous cells does not require directional growth

Le recrutement de la protéine Cdc42 constitutivement activée, par une approche optogénétique, réinitialise la polarité cellulaire et déclenche la formation d'un cluster de vésicules de sécrétion hautement dynamique. La lumière bleue est utilisée pour recruter Cdc42 activée (vert) à l’ensemble de la membrane plasmique dans un filament hyphal asymétrique de C. albicans. Immédiatement, un second cluster de vésicules se forme, qui va persister et se déplacer par sauts jusqu’à se stabiliser à un site, duquel émergera une nouvelle croissance.