D'ici et d'ailleurs ? (Soudan, 5e - 3e millénaire avant notre ère)

CONTEXTE

D'ici ou d'ailleurs ? Recherche des sources de matières premières et étude technologique des productions céramiques de Haute-Nubie (Soudan, V^e - lll^e millénaire avant notre ère) : Ce projet prend place dans un programme plus vaste mené à Kadruka (Haute-Nubie, Soudan) sous la direction de Pascal Sellier (CNRS, UMR7206 Éco-Anthropologie, MNHN, Université de Paris) et d’Olivier Langlois (CNRS, UMR7264-CEPAM). Les recherches qui y sont menées offrent non seulement l'opportunité d'étudier l'évolution technologique sur le temps long, mais également de l'appréhender en regard des transformations de l'environnement. Quelle que soit la période considérée, les populations semblent avoir choisi de s'installer sur le tracé des chenaux ou à leur voisinage immédiat. Une distribution chrono-spatiale des occupations archéologiques s'est ainsi mise en place. Il est alors intéressant d'étudier le comportement et les choix des populations en termes d'approvisionnement dans ce contexte changeant. Parallèlement, les déplacements suggérés par les activités vivrières de ces groupes d'agro-pasteurs posent la question de relations extrarégionales dont on a des indices à partir de 3100 avant notre ère.
L'approche s'inscrit dans le domaine de la technologie culturelle et repose sur le concept de chaîne opératoire (une série d'opérations qui transforme une matière première en un produit fini, que celui-ci soit objet de consommation ou outil). Dans le champ de la céramologie, la chaîne opératoire est susceptible de varier selon les matériaux utilisés ou les pratiques. L'identification des techniques employées à chaque étape de la chaîne opératoire, de la sélection de la matière première à la cuisson du récipient, s'impose donc comme un préalable indispensable à l'étude morpho-stylistique.
Ce projet propose de caractériser les pétrofrabriques (minéralogie et organisation texturale) de productions céramiques, entre le 5e et le 3e millénaire avant notre ère : les pétrofabriques correspondent à la fois à une source d'argile (les inclusions minérales reflétant la géologie de la zone source) et à des techniques de préparation des pâtes qui informent sur les savoirs et les traditions des potiers.

OBJECTIFS

Ce travail vise à étudier, à partir des traditions céramiques, les changements culturels entre le Néolithique (V^e millénaire AEC) et le Pré-Kerma (III^e millénaire AEC). Outre les travaux sur les décors des céramiques, une étude des matières premières est réalisée à partir de vases de contextes sépulcraux et d’habitats.
La problématique s'articule, à partir de l'identification des sources de matières premières et des procédés techniques particuliers utilisés, autour des questions de production locale ou d’échanges inter-régionaux. Ce travail permet également une meilleure connaissance des dynamiques fluviatiles des différents chenaux du Nil ancien, aujourd'hui occupés par des champs fertiles.

MÉTHODE

La recherche s’appuie sur deux types de corpus : des échantillons de référence et des vases archéologiques.
Le premier volet de ce projet porte sur la construction d’un référentiel d’échantillons argileux géo-référencés en adéquation avec les assemblages minéralogiques identifiés dans les céramiques. Le référentiel comporte la description des échantillons crus et cuits.

1. Caractérisation et identification des sources de matières premières, par une prospection de terrain :
   - Prospections et sondages archéologique
   - Carottages sédimentaires
   - Échantillonnage de 2 séquences sédimentaire
   - Descriptions stratigraphiques
2. Pour identifier l’origine, le traitement et la cuisson des terres, cette étude s’appuie sur un référentiel pétrographique et expérimental. Le travail de laboratoire établit pour cela une description granulométrique, cristallographique et pétrographique des séquences.

Dans un second temps, la description pétrographique d’une série de vases correspondant à plusieurs productions réparties entre le 5^e et le 3^e millénaire permet de discuter de l’origine des terres employées et de l’évolution des manières de faire dans ce temps long.
Cette recherche mobilise ainsi la céramologie et la pétrographie pour articuler les styles de céramiques et l'origine des matières premières, la géoarchéologie pour s'intéresser à la dynamique des chenaux, et l'anthracologie et l'étude des phytolithes pour mieux connaître, l'environnement et les pratiques agricoles.

Des perspectives méthodologiques, relatives au développement d'un référentiel, et archéologiques sont donc attendues.
Une première étape a été franchie par Clara De Clercq lors de son Master 1 (2021-2022, soutien de l'EUR CREATES) laquelle, à partir de l'étude de 6 vases de 3 périodes distinctes, est arrivée à identifier des caractères témoignant pour certains d'une production locale et pour d'autre d'une origine exogène.
Les premiers résultats de cette recherche sont dès à présent :

• identification d’une production céramique exogène

• identification de modalités particulière de traitements des terres issues du Nil

• ébauche de caractérisation de différents faciès sédimentaires des chenaux

Clara de Clercq a soutenu le 12 juin 2023 son mémoire de Master 2 (PPA).

SUITE

Il s'agit dans une phase ultérieure d'identifier les matériaux organiques ajoutés aux pâtes du 3^e millénaire, qui peuvent informer sur l'environnement végétal et les pratiques agricoles, d'affiner le phasage de l’aridification du climat et de relier celui-ci aux modalités d’implantation des habitats sur les rives ou dans les chenaux.