Chargé de recherche CNRS à l’Institut de Physique de Nice (INPHYNI), Christophe Brouzet a bénéficié d’une attribution de fonds de l’Académie « Systèmes Complexes ». Cette subvention IdEx vise à soutenir ses activités de recherche en turbulence, et plus précisément à mettre sur pied une étude expérimentale sur la dynamique de fibres dans des écoulements turbulents.
 

Cap vers la turbulence !

Christophe Brouzet rejoint l’Institut de Physique de Nice en octobre 2021 où il intègre l’équipe Fluides Complexes. Son profil d’expérimentateur vient compléter un pôle d’expertise autour de la turbulence à Université Côte d’Azur.

C’est lors de son stage de Master 2 à l’IRPHÉ (Institut de Recherche sur les Phénomènes Hors Equilibres) de Marseille que le physicien découvre la thématique de la turbulence :
« J’ai effectué ma licence et, mes deux années de Master en tant qu’auditeur à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon dans le département de Physique. C’est lors de mon stage à l’IRPHÉ pour mon M2 que j’ai travaillé, pour la première fois, sur la turbulence et plus précisément sur des fibres en turbulence ».

La turbulence fait partie des phénomènes naturels à la fois des plus ordinaires et des moins compris.
 
Nuage de cendres
Nuage de cendres Image par Pexels de Pixabay
Partout où un fluide ou un gaz est en mouvement, la turbulence se manifeste par des hiérarchies de tourbillons qui déterminent comment l’énergie se déploie et est dissipée localement.

Les écoulements turbulents se caractérisent ainsi par une apparence très désordonnée, un comportement difficilement prévisible et l'existence de nombreuses échelles spatiales et temporelles.

Dans un grand nombre de situations, ces écoulements turbulents sont chargés en particules, que ce soit dans le corps humain (vaisseaux sanguins transportant des globules rouges) en passant par les océans (courants avec des débris plastiques) et l’atmosphère (vents et nuages turbulents avec des cristaux de glace ou des cendres volcaniques).
Les écoulements turbulents chargés en particules s’invitent aussi dans les situations industrielles, permettant la fabrication de matériaux ou au contraire pouvant nuire au bon fonctionnement de nombreux équipements (centrales nucléaires, centrales thermiques ou encore barrages hydrauliques).

Créer une plateforme expérimentale en turbulence à Université Côte d’Azur

Grâce à la subvention IdEx "Booster Junior" allouée en 2022 à Christophe Brouzet pour lancer ses recherches sur la dynamique des fibres dans des écoulements turbulents, une candidature à l'ANR JCJC a été préparée  avec succès. En 2023, cette initiative s'est concrétisée avec l'obtention d'un financement ANR de 286 k€ sur 4 ans avec le projet CHANNELFLEX. Ce soutien financier permettra principalement au chercheur de recruter un doctorant en 2024 et d'améliorer l'équipement du canal, notamment par l'acquisition d'une caméra rapide supplémentaire pour observer la dynamique des fibres. Pour plus d'informations, cliquez ici >

Pour améliorer la compréhension des phénomènes physiques mis en jeu dans les processus de transport de particules solides placées dans un écoulement turbulent, Christophe Brouzet, développe une installation expérimentale avec le projet CanalFlex :
« Concrètement, il s’agit de conduire des expériences modèles en laboratoire dans un canal en plexiglas de 3-4 mètres de long afin d’y faire circuler des fibres flexibles (modélisant des débris plastiques, des sédiments, de la matière organique, etc.) à proximité d’une paroi. »

Une pompe permettra de faire fonctionner le canal en continu et de générer des écoulements de type turbulent :
« L’eau et les particules seront transportées dans le canal avec un débit pouvant atteindre jusqu’à 50 m3/h. Pour cette expérience, il sera crucial que la pompe n’endommage pas les particules étant donné qu’elles devront circuler, à de nombreuses reprises, dans le canal. »

Pour élucider les mécanismes physiques fondamentaux qui s’opèrent dans les interactions particules-écoulements, la dynamique et la déformation tridimensionnelle des fibres flexibles seront mesurées au moyen de deux caméras ultra-rapides. Ces mesures seront effectuées dans toutes les zones de l’écoulement et, plus particulièrement au voisinage des parois.

Les mesures expérimentales seront, par la suite, complétées par des simulations numériques directes, afin d’obtenir une comparaison quantitative des résultats et une modélisation très fine de la dynamique des fibres.

A terme, cette étude expérimentale vise à améliorer considérablement les outils de conception, de prédiction et d’optimisation utilisés pour de nombreux écoulements environnementaux et industriels.

Centrale nucléaire proche rivière
Centrale nucléaire proche rivière
Comme les écoulements de particules sont présents dans de nombreux phénomènes naturels (transport de sédiments) et applications industrielles, il peut arriver que ces écoulements chargés en particules solides rencontrent des obstacles sur leur passage.

Dans ce cas, les particules peuvent soit contourner l'obstacle, soit se retrouver piégées dans les zones tourbillonnaires situées tout autour de l'entrave et finir par se déposer à proximité.
« Les écoulements turbulents sont d’un grand intérêt pour différents domaines d’application. Cette étude couplée à la simulation numérique (DNS), est l’opportunité d’améliorer nos connaissances sur ce type d’écoulements. »

Une fois sur pied, cette installation permettra ainsi d’accomplir des avancées sur des problématiques à la fois fondamentales et appliquées comme sur des problèmes de dépôt et de resuspension de particules dans des canalisations, ou de filtrage d’écoulements chargés en particules, etc.

Un dispositif expérimental unique

Pour lever le voile sur les phénomènes physiques génériques à l’œuvre dans ces différentes situations, le projet CanalFlex se distingue de la plupart des autres dispositifs expérimentaux :
« Il y a peu d’expériences de ce type dédiée à l’étude de dynamique de particules dans cette configuration. »

La turbulence étant un phénomène aléatoire, il est extrêmement difficile de la caractériser. La plupart des travaux axés sur cette problématique portent sur des situations idéalisées, où les écoulements turbulents sont homogènes et isotropes. Autrement dit avec des configurations expérimentales où les écoulements sont simplifiés : pas de direction privilégiée et pas d’effet des parois.

CanalFlex project
CanalFlex project
Le projet CanalFlex repose, quant à lui, sur des écoulements plus complexes, proche d’une paroi :
« La présence d’une paroi complexifie la dynamique globale des particules dans l’écoulement étant donnée la nature aléatoire et multi-échelle des fluctuations de vitesse. La mise en place d’un tel canal où la turbulence est par essence inhomogène (écoulement dans un canal avec une paroi) et anisotrope (courant moyen), permettra à l’Université Côte d’Azur de bénéficier d’un dispositif expérimental relativement unique sur son site. »

Par ailleurs, les études du transport de particules en turbulence se réalisent, en grande majorité, à basse concentration (peu de fibres). Cependant, dans la nature les écoulements avec des particules sont concentrés. Afin de reproduire le plus fidèlement ce type d’écoulement, le projet CanalFlex prévoit d’utiliser à forte concentration des fibres flexibles ou d’autres objets complexes (notamment anisotropes et déformables).
« Ce projet me permet de poursuivre l’analyse de la dynamique des fibres dans un système concentré. J’avais eu l’occasion de découvrir cette thématique lors de mon postdoc en Suède. »

C’est à KTH (Royal Institute of Technology) que le travail de recherche du physicien s’est attaché à observer puis, analyser la dynamique de nanofibrilles de cellulose (bois) en suspension concentrée dans des microcanaux.

« J’avais envie de renouveler ce type d’expériences avec des fibres dans un système concentré mais cette fois-ci dans un milieu turbulent. »

Ces systèmes, bien que passionnants, sont plus problématiques et plus complexes à analyser. Comme ils sont opaques, des mesures de diagnostic optique sont extrêmement difficiles. De plus, ils nécessitent de prendre en compte les interactions entre particules (de collision et de friction), mais également la modulation de l’écoulement par les particules.

Ce projet CanalFlex permet au physicien, Christophe Brouzet, de s’établir dans la communauté scientifique en tant que chercheur à la pointe de la recherche sur la dynamique de fibres en turbulence inhomogène et anisotrope.

Avec ce dispositif expérimental, le physicien se dote ainsi d’un moyen relativement unique pour développer sa thématique de recherche et obtenir des financements plus conséquents de type ANR (Agence Nationale de la Recherche) ou ERC (European Research Council).
 

Christophe Brouzet, lauréat d’une ANR JCJC 2023 !

Grâce à la subvention IdEx "Booster Junior" allouée en 2022 à Christophe Brouzet pour lancer ses recherches sur la dynamique des fibres dans des écoulements turbulents, une candidature à l'ANR JCJC a été préparée avec succès. En 2023, cette initiative s'est concrétisée avec l'obtention d'un financement ANR de 286 k€ sur 4 ans. Ce soutien financier permettra principalement au chercheur de recruter un doctorant en 2024 et d'améliorer l'équipement du canal, notamment par l'acquisition d'une caméra rapide supplémentaire pour observer la dynamique des fibres. Pour plus d'informations, cliquez ici >

Structurer la communauté scientifique d’Université Côte d’Azur travaillant sur la problématique de la turbulence

Au niveau d’Université Côte d’Azur, l’installation d’un tel canal turbulent vise à mettre en place une première plateforme expérimentale en turbulence. Il s’agit de venir compléter, de façon notable, les outils des chercheurs locaux travaillant sur cette thématique :
« Au sein d’Université Côte d’Azur, il y a une communauté de la turbulence, relativement nombreuse mais assez disséminée, qui travaille essentiellement au niveau théorique et numérique sur cette problématique. Mon intégration permet de venir compléter les expertises et les outils déjà présents sur le site. »

Cette communauté est dispersée dans différents laboratoires du site, tels que l’Institut de physique (INPHYNI), le laboratoire de mathématiques (LJAD), celui de Lagrange (Observatoire Côte d’Azur), le Centre de mise en forme des matériaux (Cemef) et l’Inria.
« Ce sont des petits pôles d’expertise dans lesquels les scientifiques se connaissent, mais ne travaillent pas forcément ensemble. L’idée avec cette plateforme expérimentale est aussi de favoriser les collaborations locales et internationales entre différents chercheuses et chercheurs dans ce domaine, et ce, à tous les niveaux qu’ils soient théoriques, numériques, observationnels et expérimentaux ».

Dans le but de structurer la communauté scientifique d’Université Côte d’Azur travaillant sur la problématique de la turbulence, Christophe Brouzet et son équipe ont reçu une subvention de 70 k€ de l’Académie « Systèmes Complexes ». Il s’agit d’organiser un semestre thématique en 2023 autour de la turbulence avec le projet Out-of-equilibrium processes and complexity in turbulence.
Les fonds alloués de 30k€ par l’Académie "Systèmes Complexes" pour le projet CanalFlex servent à financer les matériaux nécessaires à la construction d'un nouveau dispositif expérimental de type canal turbulent ainsi que les accessoires indispensables à son fonctionnement (pompe permettant la circulation de particules macroscopiques sans dommage et contribution à l'achat de 2 caméras ultra-rapides)