"NUTRINEURO", Lipides nutritionnels et inflammation cérébrale, une nouvelle piste thérapeutique pour le traitement de l’obésité ?

Ce projet vise à comprendre les mécanismes impliqués dans la réponse inflammatoire cérébrale induite par les différents types de graisses alimentaires (animales, végétales). Grâce à une approche technologique innovante, il pourrait avoir un impact clinique et économique direct permettant l’identification de cibles prometteuses et innovantes pour lutter contre l’obésité provoquée par les régimes hyperlipidiques occidentaux.


L'obésité est un problème majeur de santé publique

D'après les estimations mondiales de l'OMS, en 2016, plus de 1,9 milliard d'adultes – personnes de 18 ans et plus – étaient en surpoids. Sur ce total, plus de 650 millions étaient obèses.

L'obésité est une maladie qui se traduit par une inflation de masse grasse ayant des conséquences néfastes pour la santé. Elle est associée à de nombreuses maladies, notamment le diabète et les maladies cardiovasculaires qui font partie des 10 premières causes de mortalité mondiale.

Dans la plupart des cas d’obésité, c’est l’interaction entre les gènes de prédisposition avec un environnement défavorable qui entraîne le développement de cette maladie. Le maintien d’un poids stable tout au long de la vie d’un individu est finement régulé par le cerveau. Celui-ci assimile les signaux entre la nourriture consommée et la dépense énergétique et adapte en retour la prise alimentaire et la dépense énergétique. Au centre de cette régulation, se trouve l’hypothalamus (HT). Cette structure cérébrale est cruciale dans l’intégration de ces signaux.

Depuis les années 2000, les lipides sont considérés comme un facteur important dans la régulation de la balance énergétique par le cerveau. En effet, les lipides nutritionnels, tels que les acides gras (AG) et triglycérides (TG), sont détectés au niveau central et participent à la régulation de notre prise alimentaire.

Plusieurs études mettent en évidence que l’obésité induite par un régime riche en lipides (HFD = High Fat Diet) entraîne une inflammation au niveau de l’hypothalamus (HT) et serait, en partie responsable, des troubles de la balance énergétique à l’origine de l’obésité.

Au niveau cellulaire, les neurones exposées à un excès de nutriments déclenchent, par stress, des mécanismes neuronaux adaptatifs. Ces mécanismes impliquent d’autres catégories de populations cellulaires voisines. Ce sont les cellules gliales et plus précisément la microglie et les astrocytes.

Chez les animaux et les hommes obèses, il a été observé dans le noyau arqué de l’hypothalamus des changements morphologiques des cellules gliales (microglie), ainsi qu’une augmentation de l’expression de cytokines inflammatoires.

Ainsi, ces études menées sur les modèles animaux et l’homme montrent que les organes périphériques, affectés par l’excès de graisses du régime alimentaire occidental, communiquent avec les centres nerveux de l’hypothalamus impliqués dans le contrôle du comportement alimentaire pour en modifier le fonctionnement.

Offrir un nouveau traitement contre l’obésité

Le présent projet, porté par Carole Rovere, se fonde sur l'hypothèse que les graisses alimentaires provoquant l'obésité induisent une activation inflammatoire des cellules gliales (microglie et astrocytes), notamment au niveau de la barrière hémato encéphalique. C’est cette activation qui renforcerait la prise alimentaire.

Les cellules gliales font le ménage au sein de notre cerveau. Enserrant nos neurones, ces cellules participent au contrôle de leur environnement chimique et électrique. Pour cela, elles fournissent des nutriments et éliminent les déchets de nos neurones.

Mais les cellules gliales n’exercent pas uniquement un rôle de soutien pour nos neurones. Elles jouent aussi un rôle essentiel dans le contrôle de notre appétit et comportement alimentaire.

Chez le rongeur, des études récentes montrent que la prolifération des cellules gliales de microglie et d’astrocytes s’observe dès les premières 24h de consommation d’un régime riche en lipides, et ceci bien avant la mise en place de l’obésité. De plus cette prolifération corrélée au poids corporel des animaux semble être réversible. 

Suite à ces données récentes, l’hypothèse privilégiée par l’équipe du projet est que l’activation de ces cellules serait importante dès les premières heures après le repas. Autrement dit, chez l’Homme, l’obésité pourrait être également associée à une prolifération des cellules gliales responsable de l’inflammation cérébrale.

Pour comprendre les mécanismes impliqués dans la réponse inflammatoire cérébrale induite par les différents types de graisses alimentaires (animales, végétales), le projet repose sur deux objectifs : 

Le premier objectif repose sur des expériences en laboratoire sur des souris. Il s’agit de soumettre des souris à différents types de régimes hyperlipidiques afin de de caractériser leur profil inflammatoire périphérique et hypothalamique en vue de quantifier l’état d’activation de leurs cellules gliales.

En collaboration avec les Drs Eric Debreuve et Xavier Descombes (Laboratoire I3S/Inria Sophia Antipolis), l’équipe de Carole Rovere est en train de mettre au point une procédure de traitement/analyse d’images permettant de mesurer de manière automatique la taille des prolongements astrocytaires ainsi que les modifications morphologiques microgliales. Par cette méthode, ces caractéristiques seront ensuite traitées par une méthode de classification non supervisée afin d’obtenir des résultats statistiques en instantané.

- Le second objectif consiste à étudier si l’inhibition de l’activation de certaines cellules pourrait permettre de prévenir de l’obésité afin de pouvoir offrir une prise en charge thérapeutique novatrice pour le traitement de l’obésité.


Un projet interdisciplinaire

Ce projet est interdisciplinaire par l’utilisation d’une approche de mathématiques appliquées au traitement d’images et d’apprentissage statistique.

Pour mettre en place cette méthode, deux laboratoires : l’IPMC et l’I3S, travaillent de concert en vue d’aider l’équipe de Carole Rovere à répondre à une problématique de neurosciences.

Cette approche multidisciplinaire allie science et technologie de pointe en utilisant s des modèles animaux (sauvages et transgéniques), études comportementales, physiologie, pharmacologie, dosages immunologiques et biochimiques, expression génique, technologie de chirurgie stéréotaxique de pointe, manipulation de gènes spécifiques à une cellule, techniques d'imagerie et de traitement d’images, morphométrie, classification non supervisée…

L’expertise de chaque chercheur devrait permettre de développer des outils puissants de traitement du signal et d’images qui pourront être mis à la disposition de toute la communauté scientifique locale, nationale et internationale.


Un projet à forte visibilité

Après avoir reçu une bourse de recherche par la Fondation Neslé en 2016, ce projet vient d’être récompensé par le Prix Medisite en Neurosciences sous l’égide de la Fondation de France.

Les résultats de ces études devraient être publiés dans une publication à fort impact scientifique et présentés dans des congrès nationaux (Société Française de Neuroendocrinologie, Société Française de Neuroscience...) et internationaux (symposium Keystone, Société des Neurosciences Américaines ...), ce qui permettra d’accroître la visibilité de la Recherche Université Côte d’Azur.
 
L’Académie Systèmes Complexes soutient le projet de recherche novateur et interdisciplinaire "NUTRINEURO" avec l'Académie "Espace, Environnement, Risques et Résilience" et l'Académie "Complexité et Diversité du Vivant "en finançant un mois de salaire de post-doc (5,5k€).

Pour plus d'informations aller sur le site de l'Académie "Espace, Risques, Environnement et Résilience" en cliquant ici