La contamination par les particules est omniprésente dans l'environnement. Dans l'atmosphère, la pollution atmosphérique s'est accrue ces dernières années au point de devenir un des principaux enjeux environnementaux pour la santé humaine. Dans le même temps, la contamination par le plastique est une menace pour l'environnement aquatique à l'échelle planétaire. Dans ce contexte l’objectif du projet PAIRE est de construire un consortium réunissant des partenaires pour aborder la problématique de la remobilisation des particules dans les systèmes atmosphériques et marins. Cette équipe de travail vise aussi à soumettre des projets à des appels européens.
La contamination particulaire, un défi à la fois environnemental et sanitaire
Les particules sont omniprésentes dans l'environnement. Ces particules ont plusieurs sources possibles. Certaines résultent des activités humaines comme les plastiques ou les suies issues de processus de combustion des voitures ou des centrales, et d’autres sont issues de processus naturels.Par exemple, les cendres émises par l’activité volcanique ou bien les sédiments en suspension dans l’eau. La présence de particules affecte donc à la fois les écoulements atmosphériques et les systèmes aquatiques (rivières, lacs, océans).
Dans l'atmosphère, la pollution atmosphérique s'est accrue ces dernières années pour devenir l'un des plus grands risques environnementaux pour la santé humaine : seuls 16 % de la population mondiale vivent dans une région urbaine qui respecte les directives en matière de qualité de l'air (WHO, 2016). Chaque année, la pollution atmosphérique tue environ 3 millions de personnes (WHO, 2016).
Les petites particules en suspension dans l’air, abrégées PM pour ‘Particule Matter’ en anglais, sont appelées aérosols. Ces aérosols sont classés en fonction de leur diamètre aérodynamique.
En métrologie des aérosols, on distingue souvent 2 types de particules (EU Air Quality Standards). Les PM10 sont des particules ayant un diamètre plus petit que 10 µm, quant aux PM2,5, ce sont des particules plus petites que 2,5 µm, appelées aussi particules fines. A noter que d’autres classifications font mention des PM1,0 aussi appelées particules très fines, et des PM0,1 aussi appelées particules ultrafines ou nanoparticules.
Ces particules sont parfois nocives pour la santé. Elles provoquent des irritations et des problèmes respiratoires chez les personnes sensibles. De plus, elles sont associées à une augmentation de la mortalité comme avec des affections respiratoires, des maladies cardiovasculaires, des cancers…. Cela est dû au fait que ces particules peuvent pénétrer plus ou moins profondément dans le système respiratoire une fois inhalées par une personne.
Là encore, le classement par taille est utile (AFSSET, 2009) : i) les particules plus grandes que 10 µm sont généralement retenues dans les voies aériennes supérieures (le nez, la bouche, le pharynx et larynx) ; ii) les PM10 peuvent pénétrer dans les voies aériennes inférieures, notamment dans la trachée et jusqu’aux bronches ; iii) les PM2,5 pénètrent plus profondément et jusque dans les alvéoles pulmonaires. Certaines, comme les particules ultrafines peuvent même passer dans la circulation sanguine en franchissant la barrière alvéolo-capillaire.
Un autre facteur important dans la toxicité de ces particules en suspension dans l’air est leur composition (Harrison et al., 2000). Cette toxicité dépend, en particulier, de la composition chimique primaire de la particule. Par exemple, la contenance en sulfate, nitrate, ammonium, ou matières organiques, la teneur en métaux comme le cadmium ou le mercure, ou encore le taux d’acidité.
La dynamique et la toxicité des aérosols dépend donc de la manière dont ces particules sont émises dans l’atmosphère. En particulier, on distingue trois catégories de particules. Les particules primaires émises directement dans l’atmosphère par des sources naturelles comme l’érosion des sols, pollens, incendie et feux de forêts, ou des sources anthropiques (comme les résidus de combustion liés aux activités industrielles, domestiques et aux transports ou bien l’épandage dans les activités agricoles). Il y a également les particules secondaires issues de réactions physico-chimiques avec d’autres composés volatiles, comme le dioxyde de souffre ou oxyde d’azote. Et enfin, les particules remises en suspension sous l’action du vent ou sous l’action de l’homme (trafic routier, déplacement de marchandises ou de personnes).
Parallèlement, à la pollution de l’air se couple la contamination des systèmes aquatiques par le plastique et d’autres déchets générés par l’homme, comme les filets, bouteilles en verre et en métal ou encore les cannettes en aluminium. (Sheavly & Register, 2017).
Cette pollution est devenue telle qu’elle s’est même propagée dans les zones aquatiques les plus reculées du monde (Dris et al., 2015), elle est devenue une menace pour les écosystèmes aquatiques à l'échelle planétaire.
Ces déchets marins causent également de graves dommages économiques aux communautés côtières, au tourisme et à la pêche. Par exemple, 630 millions d'euros ont été dépensés par l'Union Européenne en 2010 pour le nettoyage des côtes et des plages (EU-GES-D10).
La pollution plastique est particulièrement étudiée puisque l’on estime que les débris plastiques représentent à eux seuls 50 à 90 % de la pollution des mers et océans (Barnes et al., 2009). Une étude récente estime que 50 millions de tonnes de plastique se sont accumulées dans les océans en 2015 et qu’entre 4,6 et 12,7 millions de tonnes s'y ajoutent chaque année (Jambeck et al., 2015).
Des débris plastiques de toute taille ont été retrouvés dans l’océan. Comme pour la pollution atmosphérique, les débris plastiques sont classés en fonction de leur taille. Les micro-plastiques ont une taille plus petite que 5 µm, comme les billes de plastiques. Les méso-plastiques ont une taille entre 5 mm et 200 mm, par exemple, les couverts en plastiques. Puis, les macro-plastiques ont une taille supérieure à 200 mm, comme les bouteilles.
Les débris plastiques se retrouvent dans l’océan en suivant plusieurs routes (Andrady, 2011). On estime ainsi que 80 % de la pollution plastique provient de sources terrestres, comme les rivières, les 20 % restant étant dus à des sources marines, par exemple, les filets de navires.
Les rivières représentent à elles seules entre 10 et 20 % de de la masse de plastiques contaminant chaque année les océans (Lebreton et al., 2017). Néanmoins, la manière dont ces plastiques sont transportés par les rivières jusqu’aux océans est assez peu connues. L’une des sources supposées est lié à la remise en suspension, appelée remobilisation dans ce contexte, puisque les études récentes montrent des émissions de plastiques jusqu’à 10 fois plus importantes lors d’épisodes de fortes pluies (Yonkos et al, 2014).
PAIRE, un projet à fort impact environnemental et sociétal
Dans ce contexte, un consortium de partenaire s’est construit en vue de mieux comprendre comment ces particules pénètrent dans l'environnement. Plus précisément, les scientifiques impliqués dans le projet PAIRE visent à nous éclairer sur la remobilisation des particules, autrement dit sur leur détachement d'une surface sur laquelle les particules étaient au repos.L’un des exemples connus de cette remise en suspension de particules est le cas des dunes de sable. Sur les dunes les grains de sable exposés au vent peuvent se mettre en mouvement (roulement sur une dune), puis se détacher de la surface. Ensuite, les grains peuvent être transportés par écoulement de l’atmosphère sur des distances parfois inter-continentales. Par exemple, le sable du Sahara se dépose en Amazonie (Swap et al. 1992).
L’analyse de la remobilisation des particules est essentielle pour endiguer l’une des principales voies de contamination et de dispersion des particules.
Les objectifs sont multiples. Tels qu’établir une meilleure compréhension des phénomènes en jeu dans la remise en suspension de matériaux aux formes et propriétés très variées ; proposer de nouveaux modèles permettant de prédire ces phénomènes. Le projet PAIRE ambitionne également de proposer des moyens de palier/contenir/limiter cette contamination, avec notamment des stations de filtration dans les rivières ; ou encore de sensibiliser la population à ces risques.
Cette sensibilisation est envisagée via des applications de prédiction de pollens dans l’air ou des actions de nettoyage des rives.
Ce travail de recherche a donc pour intérêt pratique d’anticiper les épisodes de pollution dans les systèmes atmosphériques et marins, et de mettre au point des mesures d'atténuation adéquates.
Un consortium international et éclectique
Pour favoriser des solutions innovantes permettant de prévoir ou de récolter la contamination par les particules dans l'environnement, PAIRE vise à créer de nouvelles collaborations internationales et intersectorielles.
Pour ce faire, un réseau scientifique durable d'ingénieurs, de chercheurs et de techniciens s’est réuni pour mutualiser expertises, compétences et technologies.Lors du démarrage du projet PAIRE, le consortium comprenais 5 partenaires universitaires et 1 partenaire industriel à savoir :
- Henry Christophe, Chercheur à l’INRIA (France), Coordinateur du projet : Expert en modèles stochastiques pour la resuspension et simulations CFD à grande échelle ;
- Lécrivain Grégory, Chercheur au Helmholtz Zentrum Dresden Rossendorf (Allemagne) : Expert dans les écoulements chargés en particules et dans les processus de transport, notamment sur les interactions entre des particules sub-millimétriques et des surfaces ;
- Liberzon Alex, Professeur associé à l’Université de Tel Aviv (Israël) : Expert dans la mesure de la turbulence et dans le suivi des particules via les techniques PIV/PTV ;
- Brambilla Sara, Chercheuse au Los Alamos National Laboratory (USA) : Experte en simulations numériques pour le transport de panaches chimiques et biologiques dans des environnements urbains, et notamment sur l'adhésion et la remise en suspension des particules colloïdales ;
- Marchioli Cristian, Professeur associé à l’Université d’Udine (Italie) : Expert en simulations numériques directes et écoulements diphasiques ;
- Ferrand Martin, Ingénieur-chercheur au CEREA, laboratoire commun entre EDF et l’École des Ponts (France) : Expert en simulations et codes CFD, ancien leader de l’équipe de développement de Code_Saturne CFD et actuellement impliqué dans les application atmosphériques (transport de polluants) ;
Les partenaires suivants ont été impliqués :
- Laboratoire de Dynamique Olfactive LOD, Udine (Italy) : Compagnie spécialisée dans la simulation numérique de la dispersion de produits olfactifs dans l’air ;
- Airboxlab RBOX, Sanem (Luxembourg) : Compagnie spécialisée dans le développement d’outils de mesures de qualité de l’air Interactive ;
- Autonomous Dynamics Systems, IADYS (France) : Compagnie spécialisée dans le développement de robots automatisés pour la collecte des déchets flottant à la surface de l’eau dans des zones portuaires ;
- Allan Krelling, Professeur à l’Institut Fédéral de Parana (Brésil) : Expert en débris marins, océanographie, gestion de l’eau, des côtes et des systèmes océaniques ;
- Arantes Rodrigo, Professeur associé à l’Université Fédérale de Parana (Brésil) : Expert en biochimie et environnement, notamment pour les aérosols et leur impact sur l’environnement.
Le but du projet CLEAN-ENV est d’être en capacité de répondre aux préoccupations concernant la pollution de l'air et de l'eau dans le monde entier. Pour ce faire, trois principaux objectifs ont été identifiés.
Le premier vise à caractériser le rôle joué par les surfaces des substrats sur l'adhésion des particules et leur réentraînement dans l'environnement.
Le second objectif est d’adapter et affiner les expériences et les modèles pour étudier des situations réalistes, comme des particules de tailles et de formes diverses déposées sur différents substrats.
Et enfin, le projet CLEAN-ENV vise à concevoir des mesures et des outils d'atténuation pour limiter la propagation des particules toxiques ainsi réentraînées.
Ces objectifs sont déclinés à chaque fois dans les cas de la pollution atmosphérique et de la pollution marine. Les projets MSCA-RISE étant focalisés sur la mobilité des chercheurs, (mobilité en Europe, à l’International et inter-sectorielle), le projet prévoit surtout la mise en place d’échanges fréquents entre les partenaires. Ces échanges alimenteront de nouvelles percées sur ses sujets grâce à un réseau de chercheur fortement pluridisciplinaire (voir figure ci-dessous).
Schéma montrant la complémentarité des compétences des partenaires du projet :
Même si le projet CLEAN-ENV n’a pas été retenu lors de sa soumission à l’appel à projet Européen MSCA-RISE en 2019, une seconde mouture a été réalisée en 2020. Là encore, le projet n’a pas été retenu, cependant, le projet PAIRE a permis de consolider les collaborations de recherche, de renforcer les capacités, et d’améliorer les connaissances des partenaires et des étudiants impliqués dans le projet.
Le projet PAIRE a ainsi permis de monter un réseau de scientifiques au niveau européen et de soumettre un projet, CLEAN-ENV, dans le cadre de l’appel à projet Européen MSCA-RISE. Le porteur du projet PAIRE, Christophe Henry (Chercheur-INRIA) s’est également appuyé sur ce réseau pour participer à la rédaction d’un nouveau projet européen soumis en 2020 en tant que partenaire dans le cadre des Réseaux de Formations Innovantes EID (European Industrial Doctorates). Ces réseaux visent à structurer des formations doctorales en Europe pour former une nouvelle génération de chercheurs en développant leur potentiel de créativité, d'esprit d'entreprise et d'innovation. Le thème de ce projet est proche et porte sur la dispersion, déposition et remise en suspension de particules de formes variées et leur modélisation. Par ailleurs, le porteur a reçu un financement ANR-MRSEI de 30k€ avec le projet PACE « PArtiCle resuspension in the Environment ». L’objectif de ce projet était identique à celui du projet PAIRE, à savoir d’apporter un soutien à la formation d’un réseau scientifique autour de cette thématique et au montage de projets européens. |
Perspectives pour le futur
Dans le cadre du projet PACE ANR-MRSEI, un workshop est prévu pour la fin de l’été 2021 afin de réunir les partenaires ainsi que d’autres scientifiques sur les sujets de la pollution atmosphérique et de la pollution marine.L’objectif de ce workshop est double. D’un point de vue scientifique, l’objectif est de regrouper lors de journées d’échanges des chercheurs(ses) issu(e)s de communautés variées. D’un point de vue stratégique, un temps sera dédié à la réflexion sur la soumission d’un projet aux nouveaux appels à projets européens, dans le cadre d’Horizon Europe.
Plus particulièrement, l’idée est de viser plutôt des projets de type MSCA-DN (Doctoral Network, anciennement ITN), dont la deadline est fixée au 16 novembre 2021. La motivation de ce choix des MSCA-DN est l’envie des partenaires d’obtenir des financements permettant d’effectuer des travaux de recherche et pas seulement des financements pour des rencontres entre chercheurs/scientifiques/ingénieurs.
Bibliographie
- Afsset committee. Evaluation du risque sanitaire pour l’homme lié à la présence de virus influenza pandémique dans l’air des bâtiments et sa diffusion éventuelle par les dispositifs de ventilation. Technical report, AFSSET, 2009.
- Air Quality Standards, European Commision.
- Andrady, Anthony L. "Microplastics in the marine environment." Marine pollution bulletin 62.8 (2011): 1596-1605.
- Barnes, David KA, et al. "Accumulation and fragmentation of plastic debris in global environments." Philosophical transactions of the royal society B: biological sciences 364.1526 (2009): 1985-1998.
- Dris, Rachid, et al. "Beyond the ocean: contamination of freshwater ecosystems with (micro-) plastic particles." Environmental chemistry 12.5 (2015): 539-550.
- EU Marine Directive for Good Environmental Status (GES) of marine water. Descriptor 10: marine litter.
- Harrison, Roy M., and Jianxin Yin. "Particulate matter in the atmosphere: which particle properties are important for its effects on health?." Science of the total environment 249.1-3 (2000): 85-101.Jambeck, Jenna R., et al. "Plastic waste inputs from land into the ocean." Science 347.6223 (2015): 768-771.
- Lebreton, Laurent CM, et al. "River plastic emissions to the world’s oceans." Nature communications 8.1 (2017): 1-10.
- Sheavly, S. B., and K. M. Register. "Marine debris & plastics: environmental concerns, sources, impacts and solutions." Journal of Polymers and the Environment 15.4 (2007): 301-305.
- Swap, Robert, et al. "Saharan dust in the Amazon Basin." Tellus B 44.2 (1992): 133-149.
- World Health Organization. (2016). Ambient air pollution: A global assessment of exposure and burden of disease.
- Yonkos, Lance T., et al. "Microplastics in four estuarine rivers in the Chesapeake Bay, USA." Environmental science & technology 48.24 (2014): 14195-14202.